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Une réflexion sur la femme samaritaine

Dans sa relation avec Dieu, l’homme retrouve sa dimension spirituelle, sa dimension d’éternité. Plutôt qu’une argumentation compliquée, Jean propose à la réflexion de ses lecteurs, la rencontre de Jésus avec une Samaritaine (Jean 4:1-62).

Cette scène colorée, cette tranche de vie, apporte plus qu’un long discours.

Il était près de midi. Jésus, fatigué par une longue marche à travers les collines de la Samarie, se reposait assis sur le bord d’un vieux puits. Il était seul.

Ceux qui l’accompagnaient étaient partis au village voisin acheter quelques provisions afin de préparer le repas dans la nature, comme ils le faisaient souvent.

Une femme déboucha d’un petit chemin de pierre. Elle était sans doute encore jeune et portait sur sa tête, non sans élégance, une lourde cruche de terre, comme le font toutes les femmes là-bas. Chaque jour, elle venait ainsi puiser de l’eau. Les gens du village la méprisaient à cause de la vie qu’elle menait. Elle avait eu cinq maris… De quoi faire jaser ! Et l’homme avec qui elle vivait n’était pas son mari. A cette époque, la société condamnait sévèrement un tel comportement. Aux yeux de tous, c’était une femme légère, une instable.

Mais quoi, au fond, ça la regardait…

Elle aperçut Jésus mais l’aurait certainement ignoré si, au moment de descendre son seau, il ne l’avait interpellée : « Donne-moi à boire ». Stupéfaite, elle se retourna. A sa façon, elle avait compris qu’il était juif. Or, une vieille querelle opposait depuis des générations, les Juifs et les Samaritains.

De plus, il n’était pas habituel qu’un homme parle aussi librement à une femme… Il fallait qu’il ait bien soif. Elle se redressa plutôt sur la défensive : « Comment ? Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? »

Jésus sembla ignorer son ton agressif : « Tu ne connais pas le don de Dieu. Tu ne connais pas celui qui te dit : “Donne moi à boire.” Sinon, c’est toi qui demanderais à boire, et je te donnerais une eau pleine de vie. »

Que veut-il dire ? La voilà tout à coup intéressée par ces propos curieux. Qui donc est cet homme ? Il a l’air bon et en tout cas, il n’a aucun préjugé.

Finalement, cette eau dont il parle, elle en boirait bien si elle pouvait éviter la corvée quotidienne.

« Tu n’as rien pour puiser de l’eau et le puits est profond. Cette eau pleine de vie, où peux-tu la prendre ? »

Et Jésus continue de l’étonner avec cette eau étrange :

« Si quelqu’un boit de cette eau, il aura encore soif. Mais s’il boit de l’eau que je lui donnerai, il n’aura plus jamais soif. Au contraire, l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source, et cette source donne la vie avec Dieu pour toujours. ».

La femme ne comprend pas que Jésus ne parle pas de l’eau du puits. L’eau n’est pour lui que l’image d’une réalité tout autre.

Jésus aime utiliser les éléments les plus concrets et les plus quotidiens. Il emploie des mots et des images du vécu pour symboliser sous forme de « leçon de choses » des réalités tout aussi vitales mais cette fois-ci spirituelles. C’est ainsi qu’il dit que :

« L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sortira de la bouche de Dieu ».

Autant le pain et l’eau sont indispensables à la vie physique, autant le « pain de vie » et « l’eau vive » s’avèrent indispensables et permettent notre relation avec Dieu.

La Samaritaine voit son monde basculer. Les désordres de sa vie, ses faux problèmes religieux, Jésus met tout en lumière. Il l’a conduite à reconnaître en lui celui que Dieu a choisi pour dire la vérité aux hommes. Cette vérité la transforme.

Elle ira la clamer dans les rues de son village, qui pour la première fois l’écoutera.

Elle fut l’une des premières à reconnaître en Jésus le chemin qui mène à Dieu, la vérité et la vie (Jean 14:6).

Pourquoi parler encore de cette femme aujourd’hui ?

Tout simplement parce que cette Samaritaine, d’une certaine façon, c’est chacun d’entre nous. La soif de cette femme, c’est l’image de toutes nos soifs. Jésus est encore celui qui nous offre l’eau pleine de vie. Quelle que soit notre situation, il a quelque chose à nous dire.

Et maintenant : faisons connaissance avec Jean l’évangéliste.

Faites connaissance avec Jean l'évangéliste

L’homme

Natif de Bethsaïda en Galilée, il était le fils d’un certain Zébédée. Une vieille tradition prétend que sa mère se nommait Salomée. Il avait un frère, Jacques, qui lui aussi jouera un rôle important au temps de Jésus et dans l’Église naissante.

Jean était pêcheur de profession, comme son père. Il jetait ses filets dans les eaux poissonneuses du grand lac de Tibériade.

Jésus l’appela dès les premières heures de sa mission.

Jean le suivit avec une ferveur parfois violente, voire intransigeante et qui lui valut de la part de Jésus, le surnom de « Fils du tonnerre ». Sans doute était-ce un reproche et Jean a si bien retenu la leçon que plus tard il fut appelé le « disciple de l’amour ».

Il se plaisait d’ailleurs à répéter à la fin de sa vie « Aimez-vous les uns les autres ! ».

Dans le texte de son évangile, il se désigne lui-même comme le disciple que Jésus aimait. On a parfois vu dans cette expression une préférence de Jésus, une sorte de hiérarchie dans les affections du Seigneur…

En fait, sans présumer de l’amour, de l’attachement de Jésus pour chacun des autres, Jean exprimait sans doute ce qu’il vivait. Il se sentait aimé de Jésus. C’était là tout son bonheur et il ne pouvait pas ne pas le dire !

Parmi tous les disciples, seul Jean suivit Jésus jusqu’à son supplice. Sur la croix, c’est à lui que Jésus confia Marie, sa mère : « Voici ta mère » lui dit-il. Et le texte précise qu’à partir de ce moment-là, le disciple la prit chez lui.

Jean apparaît encore dans quelques récits des Actes des Apôtres. (Ce livre écrit par Luc fait suite aux évangiles. Il raconte le travail des disciples et l’histoire des premières communautés chrétiennes). On sait que Jean vécut ensuite à Éphèse et qu’il participa au rayonnement des églises d’Asie Mineure.

L’ensemble de son œuvre comprend l’évangile qui porte son nom, trois lettres pastorales et le dernier livre de la Bible : l’Apocalypse (mot grec signifiant révélation). Ce dernier d’un style très particulier fut écrit au cours de son exil dans l’île de Patmos au temps des terribles persécutions romaines contre les chrétiens.

Il vécut jusqu’à un âge très avancé et s’endormit paisiblement à Éphèse où les pères de l’Église affirment que se trouve sa sépulture.

L’œuvre de Jean

De tous les disciples, c’est Jean qui donne de Jésus l’image la plus intime, la plus affective. Après avoir écouté Jésus, Jean a longuement réfléchi, médité sur les trois bouleversantes années de sa vie passées à ses côtés. Mais ce n’est qu’environ soixante années plus tard, dans la chaude ambiance des premières communautés chrétiennes d’Asie Mineure, qu’il écrivit. C’est le rapprochement des cultures grecques et juives caractérisant alors cette partie du monde, qui explique sans doute la tonalité si profonde, si riche, si particulière de son évangile.

C’est pourquoi, certains passages sont difficiles à comprendre aujourd’hui. Jean utilise des expressions, des images, des comparaisons, qui peuvent surprendre un homme du XXIème siècle.

Jean lui-même déclare sans équivoque qu’il désire amener le lecteur à croire que Jésus-Christ est le Christ et qu’en croyant, il trouve en lui la vie (Jean 20:31).

Dans l’activité intense de Jésus, dans ses paroles, dans ses actes dont il fut le témoin, Jean fait un choix. A partir de mots très simples, l’évangéliste va nous offrir une remarquable approche de la richesse insondable de la personne du Christ et de son enseignement. Sous sa plume, les mots de tous les jours prennent un relief inattendu. L’eau, le pain, la lumière, la fête, la vie, la liberté… L’existence quotidienne devient ainsi le signe de la présence et de l’action de Dieu au milieu des hommes.

Jean veut nous faire partager sa foi. Il veut nous faire entrer à sa suite, dans l’intimité du Fils de Dieu. C’est la passion de sa vie. Tout son texte inspiré, vibrant du souffle de l’Esprit qui l’anime, veut susciter notre réaction, notre adhésion. Il nous conduit à un engagement personnel. Jésus, le Christ, est bien le visage de Dieu parmi nous, la réponse de Dieu à tous nos besoins.

Pour amener ses lecteurs à une rencontre personnelle avec Jésus, Jean rapporte de nombreuses rencontres entre Jésus et des interlocuteurs d’origines diverses. Il entend ainsi montrer comment Jésus réalise l’espérance tant recherchée par tous : les Juifs (Jean 3:1- 20) ; les Samaritains (Jean 4:1-42) ; les païens (Jean 12:20-25). Il est à la fois le Messie d’Israël et le Sauveur du monde.

Comme les contemporains de Jésus, le lecteur de l’Évangile se demande : « Qui est donc cet homme ? ». Et Jésus de répondre : « Je suis la lumière du monde, celui qui me suit ne marche pas dans la nuit, mais il possède la lumière de la vie ».

Plus que les trois autres évangélistes (Matthieu, Marc et Luc), Jean parle des relations profondes entre Jésus et Dieu qu’il appelle son Père : « Moi, je suis venu de la part de mon Père… » (Jean 5:43). « Ma nourriture, c’est de faire ce que Dieu veut et de réaliser jusqu’au bout le travail qu’il m’a donné » (Jean 4:34). Cette expression revient 24 fois dans l’évangile selon Jean. C’est dire combien l’évangéliste insiste sur la mission de Jésus. Il est bien l’envoyé du Père. Il est venu dans le monde pour nous révéler le Père : « Celui qui m’a vu, a vu le Père » (Jean 14:9), « Le travail que le Père m’a donné à faire, le travail que je fais, me rend témoignage et il montre que le Père m’a envoyé. » (Jean 5:36).

Un vaste mouvement se dessine dans cet évangile. Tout le récit s’articule autour de deux passages clés : le prologue (Jean 1:1-18) qui dévoile la venue de la lumière (le Christ au milieu des hommes) et le second, la prière de Jésus (chapitre 17) qui parle du retour de la lumière auprès du Père une fois sa mission accomplie. Dieu a donc parlé aux hommes. La Bonne Nouvelle c’est que désormais cette lumière éclaire tout homme de bonne volonté et le conduit vers le Père. A tous ceux qui ont reçu cette Bonne Nouvelle, « elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. » (Jean 1:12).

Voilà l’ultime testament du disciple « que Jésus aimait » !

« Oui, Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son fils unique. Ainsi, tous ceux qui croient en lui ne se perdront pas loin de Dieu, mais ils vivront avec lui pour toujours. » (Jean 3:16) et « voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean 15:12).

Sa passion d’aimer et son combat pour la libération de l’homme, conduiront Jésus à la mort. C’est le cœur de l’Évangile. Mais cette mort douloureuse, loin d’être un échec, débouche sur le jaillissement de la vie nouvelle qui s’exprime à travers l’événement de la Résurrection (Chapitre 20). L’amour a vaincu la haine. La vie a vaincu la mort.

Voilà ce qui doit s’inscrire désormais en lettres de feu dans le cœur des hommes. La voie est ouverte : « Tout est accompli ».

Comme le fruit sous l’écorce, à la lecture de ce petit livre qu’est l’évangile selon Jean, vous découvrirez une extraordinaire espérance, la source d’une vie renouvelée.

Tel est le grand message que Jean nous communique de la part de Dieu lui-même.

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