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Un homme

Dans l’histoire des hommes, Jésus apparaît bien comme l’un d’entre eux. Il a laissé son empreinte sur le premier siècle. Sa trace se retrouve non seulement dans les évangiles, mais également dans les écrits profanes des écrivains de l’empire romain.

Le texte le plus connu est celui de Flavius Josèphe, historien juif au service de Rome, qui commence par ces mots : « En ce temps-là vivait Jésus, homme sage… ». (Antiquités Juives).

Les habitants de Nazareth, petit village du nord de la Galilée où il passa trente ans de sa vie, ne le considérèrent jamais autrement, à tel point que lorsqu’il commença à dire qu’il était plus que cela, ils ne voulurent pas le croire.

Lors de sa mort à Jérusalem, le centurion qui assistait au supplice lui rendit ce dernier témoignage    « C’était vraiment un homme juste ».

Dans les évangiles selon Marc et Matthieu, cette phrase est rendue par : « Celui-ci était vraiment (un) fils de Dieu! ». Cette expression banale à l’époque, n’est pas nécessairement à prendre au pied de la lettre (dans le monde hellénistique, il était courant de diviniser les grands personnages tels que les empereurs). Elle peut n’être qu’une façon populaire de marquer son admiration devant un être exceptionnel. On retrouve ce procédé encore aujourd’hui quand on parle d’un « dieu du stade » ou d’une « idole de la chanson ».

Cependant, il est certain que, volontairement ou non, le soldat a rendu à Jésus un témoignage plus fondamental. C’est sans doute la raison pour laquelle les évangélistes rapportent ces paroles.

 

Un homme comme nous

Quand on pense à une figure aussi exceptionnelle, on a tendance à la transformer en une espèce de surhomme, très loin, très au-dessus de notre condition. Ce travers est souvent exploité par les « leaders » de toutes sortes qui cultivent une « image de marque » flatteuse pour se différencier du commun des mortels.

La Bible se refuse à une telle supercherie. Elle s’attache au contraire à souligner la parfaite identité de nature entre Jésus et nous. Dans sa simplicité, elle nous le présente comme n’ayant « rien pour attirer le regard », rien qui le désigne spécialement à l’attention des foules.

Son physique

Nous n’en savons rien. Etait-il brun comme le sont généralement les Sémites, ou roux comme son ancêtre le roi David ? Aucun indice ne nous permet de le dire.

Certains se l’imaginent grand et fort. C’est le cas d’Antony Burgess, l’auteur de « Orange    Mécanique », qui soutient que son dur métier de charpentier lui avait taillé une silhouette d’athlète, que sa capacité de se faire entendre par des foules de plusieurs milliers de personnes supposait un      « coffre », une carrure remarquable.

L’imagerie populaire, influencée par des siècles de peinture et de sculpture, le représente volontiers sous les traits d’un grand type barbu, incarnation de la « force tranquille ». Cette image de Jésus, reprise par le cinéma américain, est plausible.

On parle beaucoup aujourd’hui du Saint Suaire. Sans entrer dans la discussion, remarquons que la « photographie » qu’il nous offre, va dans ce sens.

Cependant, devant le silence des textes à ce sujet, d’autres représentations sont possibles. Pasolini, dans son film « l’Evangile selon Saint Matthieu » fait de Jésus un petit homme sec et nerveux. Quant aux icônes orientales, jusqu’au Xème siècle elles nous le montrent imberbe.

 

Bien qu’il s’agisse là des plus anciennes représentations du Christ, elles ne sont pas décisives. Le souci des artistes des premiers siècles n’était pas de donner une image exacte de Jésus, mais plutôt de le singulariser par rapport aux autres sages de l’antiquité : son absence de barbe n’est marquée que pour le différencier des philosophes grecs qui étaient barbus !

Le silence des évangiles

Il est voulu. Il n’aurait rien coûté à leurs auteurs de faire une brève description. Aux élèves de 6ème, on rabâche de toujours présenter les personnages de leurs rédactions pour permettre de les « visualiser ». Si les évangélistes, qui font preuve par ailleurs d’une certaine recherche littéraire, ne s’en donnent pas la peine, c’est qu’ils ont une raison sérieuse. Ils désirent que l’attention du monde se concentre sur le sens de l’action de Jésus et la signification de ses paroles. Ils cherchent à neutraliser par avance toute représentation qui détournerait le lecteur de l’essentiel vers le superficiel.

Malheureusement, dès les premiers siècles, leur volonté fut trahie. Images et statues apparurent et ce qui devait arriver arriva : on commença à adorer des toiles peintes, des morceaux de bois ou de pierre taillée, et toute une frange du christianisme bascula sans en avoir totalement conscience dans une forme déguisée de paganisme et d’idolâtrie.

 

Des limitations humaines

Le Nouveau Testament a d’autres moyens pour nous convaincre de la totale humanité de Jésus.

Il nous le décrit aux prises avec les mille tourments de la vie quotidienne. Ce n’est pas un super héros qui nous apparaît alors, mais un homme ordinaire, souffrant de la fatigue, de la chaleur et de la soif, comme tous ces voyageurs qui faisaient les routes à pied. Le lourd soleil de la Palestine ne l’épargne pas et quand certains voudront le suivre, il les préviendra que sa vie n’a rien d’enviable : il la compare à celle d’un renard du désert dont le repos est toujours précaire et inconfortable. Lorsqu’il meurt sur une croix entre deux suppliciés, c’est lui qui succombe le premier.

 

Un homme face à la tentation

Les textes nous disent qu’il a « été tenté en toutes choses »,6 Ces luttes intérieures qui déchirent l’homme et le laissent parfois épuisé et brisé, ces expériences pénibles que nous connaissons tous, il n’en a rien ignoré.

Jean de La Fontaine disait « qu’en toute chose il faut considérer la fin ». Celle de Jésus, c’est la mort atroce et honteuse sur la croix. Telle est à son égard la volonté de Dieu.

Il le sait puisqu’il ne cessera de l’annoncer à ses amis pour les préparer à cette épreuve. La crucifixion n’est pas pour lui un échec ou un accident : elle est le but à atteindre, la raison même de sa vie.

S’il s’en détourne, il désobéira. Mais il lui faut de la volonté et de l’endurance pour garder le cap. Comme un coureur de fond, il ne doit ni se « déconcentrer » ni se « désunir ». Il lui faut garder cette mort comme une mire au centre de toutes ses actions, de toutes ses pensées et rester uni à Dieu dans une soumission parfaite.

Sur ce chemin rude et difficile, ses tentations furent celles que nous connaissons tous : colère, orgueil, puissance, plaisir, envie… Mais les plus dures furent certainement celles qui étaient particulières à son itinéraire, à sa montée vers Jérusalem et la mort.

Il fut attaqué jusqu’au plus profond de lui-même et dut supporter de rudes assauts. L’angoisse de la mort qui pouvait l’inciter à renoncer, le pouvoir que le peuple était prêt à lui donner mais qui lui aurait épargné le supplice, l’instinct de conservation, la peur de la souffrance, son amour de la vie.., autant de points qui auraient pu le faire désobéir et se détourner de la croix.

Pourtant, il n’a jamais cédé. En paroles, en pensées et en actes, il est toujours resté uni à Dieu, soumis à sa volonté.7 Jamais il n’a enfreint ses commandements, jamais il n’a dévié de son objectif. A tel point que pour le condamner, ses juges doivent faire appel à de faux témoins : ils n’ont trouvé personne pour porter témoignage contre lui.

Le Nouveau Testament résume cela en disant que Jésus était « sans péché ».8 Non seulement il ne fit aucun mal, mais il n’y avait en lui aucune racine de mal.

Sur ce point, cet homme si semblable à nous par ailleurs, est radicalement différent de nous tous.

 

Jésus est-il le fils de Dieu ?